France TV 4 épisodes. Le soir du 11 septembre une ado fait le mur pour retrouver un gars peu recommandable. Au matin, la famille a disparu. 23 ans plus tard, elle publie son histoire romancée. Dès livres sont lacerés, des questions se posent, un lettre... Une série très prenante dans les Vosges pour une intrigue bien menée. Ma note : 7,5 / 10
Canard du 30/04/2025
Ce Nouvel An qui n'est jamais arrivé (Conducător et à travers)
SUEURS FROIDES dans les studios de la télévision nationale roumaine, en cette fin 1989. Le programme du réveillon à la gloire de Ceaușescu a bien été mis en boîte. Mais l'animatrice vient de passer à l'Ouest. En catastrophe, l'équipe dégote une actrice de théâtre vaguement ressemblante pour retourner les gros plans… De son côté, un officier de la Securitate force sa mère à déménager de sa villa promise à la démolition pour la reloger dans un « bloc ». Et le déménageur mobilisé découvre en rentrant chez lui que son garçon de 7 ans a posté une lettre au Père Noël demandant la réalisation du souhait le plus cher de son papa : « que le vieux Nicu meure… » Satané gamin !
Ce premier long-métrage écrit, réalisé et produit par Bogdan Mureșanu agence les destinées de six personnages comme un kaléidoscope, offrant divers points de vue sur le déclenchement de la révolution roumaine de 1989. Le procédé est brillant, le ton grinçant, l'ensemble drôle et absurde, dans la « tradition roumaine de l'humour noir », qui fait « pleurer et rire en même temps », dixit Mureșanu, qui sait pousser à fond les situations. Couronné par le prix Orizzonti à Venise, le film a aussi été salué par l'Iranien Mohammad Rasoulof (« Les Graines du figuier sauvage », 2024). Cette première réalisation rappelle l'excellent film de Radu Muntean, « Le papier sera bleu » (2006), jamais sorti en France, qui racontait la révolution roumaine du point de vue de jeunes soldats embarqués dans un blindé du ministère de l'Intérieur…
De la dictature, révélée par le petit bout de la lorgnette. — David Fontaine
Les films qu’on peut voir cette semaine
Les Fleurs du silence
Dans les années 20, un médecin autrichien eut l'idée de « guérir » l'homosexualité masculine grâce à une douloureuse opération. Interné dans un hôpital psychiatrique anglais parce qu'il aime les hommes, Owen évoque auprès de Dorothy, son infirmière, ce traitement qui a fait basculer sa vie. Leurs échanges deviennent thérapie.
Avec sa mise en scène épurée - scènes courtes, plans profonds -, Will Seefried réussit une bouleversante plongée dans l'univers médico-carcéral de l'époque. La rencontre de Dorothy et Owen rappelle celle d'Antonietta (Sophia Loren) et Gabriele (Marcello Mastroianni) dans l'inoubliable « Une journée particulière » (1977), d'Ettore Scola. — J.-F. J.
Little Jaffna
« Perdre sa terre, c'est perdre son identité. »Voilà ce que répète une réfugiée de Little Jaffna, quartier tamoul autour de la Chapelle, à Paris. Michael, fils d'un héros de la lutte contre le pouvoir sri lankais, est un flic infiltré. Il doit découvrir qui, en France, organise le racket au profit des Tigres séparatistes.
A travers cette histoire policière haletante, Lawrence Valin réussit une immersion précieuse dans une minorité asiatique immigrée. Ce type de plongée débouche souvent sur une comédie. Ici, rien n'est filtré de la violence, de l'exploitation des plus faibles, mais aussi de la solidarité et de la résilience de ces rescapés d'une atroce guerre civile. — J.-F. J.
Ghostlight
Un ouvrier de Chicago qui travaille au marteau piqueur sur la voirie se trouve embarqué par hasard dans une troupe de théâtre amateur qui monte « Roméo et Juliette ». Il cache d'abord à ses proches cette activité, qui le bouleverse, mais finit par leur dire ce à quoi il passe ses journées. C'est l'occasion, pour cette famille, de ressouder des liens distendus par un drame laissé dans l'ombre.
La thérapie par le théâtre n'est certes pas une idée nouvelle, mais le film des Américains Kelly O'Sullivan et Alex Thompson se distingue par sa pudeur et la qualité de ses interprètes, qui, dans la vie, forment une véritable famille. Un pari audacieux remporté haut la main. — A.-S. M.
Tu ne mentiras point
Au volant de son camion jaune, bonnet de laine et carapace de cuir, Bill Furlong (Cillian Murphy, coproducteur du film), livre en charbon les habitants de son village, en Irlande, dans les années 80. Parmi ses clients : les sœurs du couvent local, qui réservent aux filles-mères de riants traitements pour « pénitence et réhabilitation ». Au nom de ses propres filles (il en a cinq) et de feu sa mère (qui l'a élevé seule), Bill intervient. Au diable le qu'en-dira-t-on !
Le Belge Tim Mieliants adapte à l'écran un roman de Claire Keegan (« Small Things Like These ») sur les blanchisseries de la Madeleine, qui ont claquemuré des milliers d'Irlandaises pendant plus de deux siècles. C'est d'une sombreur infinie, mais il y a les yeux de Cillian Murphy. — L. S.
Une pointe d'amour
C'est un splendide mélo que signe là Maël Piriou. Il filme le périple vers l'Espagne d'une avocate et de son plus proche ami, tous deux handicapés moteurs. Ils veulent aller dans un bordel « inclusif » pour connaître la volupté de l'amour une fois dans leur vie. Mais, pour une raison étrange, celui qui les y conduit fait tout ce qu'il peut pour ralentir le voyage.
Priou a fort bien choisi ses interprètes, Julia Piaton, Quentin Dolmaire et Grégory Gadebois, toujours impressionnant. La scène du bowling, confrontation entre les deux handicapés et d'autres jeunes, valides, est un monument de mélancolie et de finesse. — A.-S. M.
Les Esprits libres
Prenez une dizaine de résidents d'Ehpad atteints d'Alzheimer (Didier, qui veut toujours se faire la malle, Anne-Marie, qui a le « connard ! » facile, Nicole, berçant sans cesse le même poupon…). Déposez-les sans camisole ni cachetons dans une maison du Finistère. Ajoutez-y plus d'encadrants (avec leurs marmots) que de malades, et une art-thérapeute dingue de théâtre d'improvisation. Laissez-les vivre, jouer et danser pendant quinze jours sous l'œil du réalisateur Bertrand Hagenmüller, à l'initiative de cette expérience.
Résultat : un documentaire qui tient le haut du pas niais et, ô surprise, selon une étude scientifique, « une nette amélioration de la santé globale des patients et de la qualité de vie au travail des soignants ». — L. S.
Les films qu'on peut voir à la rigueur
Les Linceuls
En deuil de son épouse adorée, un entrepreneur autour duquel gravitent plusieurs femmes (vivantes) développe une appli pour rester en contact avec sa tombe connectée… et voir sa chère défunte se décomposer. Or, dans le cimetière ainsi branché, des tombes sont profanées. Un coup des Russes ?
Ce film de David Cronenberg lui a été inspiré par la mort de sa propre épouse, en 2017, et par sa passion pour l'homme « augmenté » grâce à la technologie, jusqu'au macabre. Mais le film est assez prétentieux, la réalisation bien compassée, les dialogues très didactiques, et Vincent Cassel froid comme un croque-mort. Mortel ou mortellement ennuyeux ? — D. F.
Les Règles de l'art
Expert en montres de luxe, Yonathan s'ennuie ferme dans la vie. Lorsque déboule Moreno, receleur d'œuvres d'art volées par Jo le monte-en-l'air, c'est l'argent, le risque, la démesure qui s'invitent. Jusqu'au jour où Jo cambriole le musée d'Art moderne de Paris, piquant un Modigliani, un Klee, un Matisse, transformant le rêve en panique.
Dominique Baumard a adapté une histoire vraie, survenue en 2010, sans s'embarrasser de variantes. Melvil Poupaud, Steve Tientcheu et, surtout, Sofiane Zermani ont de l'abattage, mais l'énormité de ce fait divers méritait un scénario plus audacieux. — J.-F. J.
Canard du 23/04/2025
Un médecin pour la paix (Une horreur de tir)
C'EST UNE SCÈNE que les téléspectateurs israéliens n'ont jamais pu oublier. Le 16 janvier 2009, le reporter vedette Shlomi Eldar s'interrompt en direct, sur le plateau de Channel 10, pour décrocher son portable… Au bout du fil, son ami le professeur d'obstétrique Izzeldin Abuelaish - premier médecin palestinien à exercer dans un hôpital de Tel-Aviv - raconte qu'un obus de char israélien tiré sur son immeuble, à Gaza, vient de tuer sous ses yeux trois de ses filles et une nièce… Le journaliste témoigne aujourd'hui : « Après une nuit à veiller à l'hôpital une quatrième fille, grièvement blessée à l'œil, Abuelaish parlait de coexistence entre les deux peuples… J'ai cru qu'il était devenu fou. »
Tourné par la réalisatrice franco-américaine vivant en Israël Tal Barda, ce documentaire bouleversant narre le combat de ce médecin humaniste nobélisable qui a décidé de transformer sa douleur à vif de père en force de vie et de réconciliation. Au nom de ses trois filles Bessan, Mayar et Aya, et de sa nièce Nour, il a intenté un procès à l'Etat israélien pour obtenir des excuses publiques. En vain, même si cette affaire a contribué à mettre fin à l'opération militaire « Plomb durci » à Gaza… Le docteur Abuelaish, qui n'a jamais craint de s'opposer au Hamas et vit désormais à Toronto, a perdu des dizaines d'autres membres de sa famille dans les bombardements de Gaza consécutifs au massacre du 7 octobre 2023.
Un documentaire indispensable, sans ambiguïté, qui a pourtant effarouché certains exploitants en France, aux dires de son distributeur Destiny Films. — David Fontaine
Les films qu’on peut voir cette semaine
La Chambre de Mariana
Dans une ville d'Ukraine, en 1941, une mère juive en fuite confie son fils à Mariana, une prostituée au grand cœur, qui le planque dans un cagibi attenant à la chambre où elle vend ses charmes.
Jouant en ukrainien avec un naturel confondant, Mélanie Thierry crève l'écran dans le rôle d'une femme totale, échappant aux définitions, face au jeune Artem Kyryk, étonnant. Adaptant un roman d'Aharon Appelfeld, Emmanuel Finkiel sait évoquer la vie rétrécie et donne admirablement à sentir le temps qui passe, les relations qui se modifient… Imagine-t-on un pendant d'Anne Frank caché dans un bordel ? Grâce à ce film exceptionnel, oui. — D. F.
La Légende d'Ochi
Dans un monde de mauvais garçons, dressés à tuer d'étranges bestioles de la forêt, une jeune fille sensible en recueille une autre, blessée, et fugue pour la rendre aux siens.
Ce premier film d'Isaiah Saxon est un enchantement, en forme d'hommage aux contes pour grands enfants des années 80, de « E. T. » aux « Gremlins » ou à « Princess Bride ». Tourné dans de somptueux paysages de Transylvanie, il déploie un charme certain dû à la musique locale et à des techniques vocales singulières, ainsi qu'aux effets spéciaux à l'ancienne. De Helena Zengel à Willem Dafoe, les acteurs sont au diapason. — D. F.
Familia
Derrière une porte vitrée, deux enfants serrés l'un contre l'autre entendent les coups et les cris. Franco, leur père, s'en prend à leur mère. Ce n'est ni la première fois ni, hélas, la dernière. Eloigné du domicile familial, Franco ne cesse d'y revenir : cette femme, c'est la sienne, ces deux gamins aussi. Il en fait des poupées de chiffon qu'il manipule et brise chaque fois. A travers plusieurs genres (le thriller, le fantastique, le drame psychologique), Francesco Costabile réussit parfaitement le pari de parler de la violence, de sa transmission et des blessures indélébiles qu'elle cause. — A.-S. M.
Simón de la montaña
Que cherche Simón avec ses nouveaux copains handicapés mentaux, parmi lesquels il se sent si bien ? Sa famille ne comprend plus ce grand ado difficile qui lui échappe pour aller vers un monde que la société cache. Le réalisateur argentin Federico Luis, qui a obtenu le grand prix de la Semaine de la critique à Cannes pour cette œuvre subtile et aussi puissante dans son propos sur la maladie mentale et la marginalité que « Voyage au-dessus d'un nid de coucou » (1975), de Milos Forman, choisit de laisser nombre de questions sans réponse. Cela rend inoubliable son film. — A.-S. M.
Des jours meilleurs
Au centre de désintox pour femmes alcooliques, le premier ennemi, c'est le déni. L'une a « trop de sucre dans le sang », l'autre aime juste « faire la fête »… Leur coach sportif propose de souder les rangs en les faisant participer au rallye des Dunes.
Dans le genre, de plus en plus fréquenté, des films en milieu clos (prison, hôpital, bateau, colo, etc.), on a vu scénario et personnages plus fouillés. Mais ce premier essai d'Elsa Bennett et Hippolyte Dard, venus des séries télé, est tonique, touchant et bien servi (Valérie Bonneton, Clovis Cornillac, Michèle Laroque, étonnante). Alors pour la route… — J.-F. J.
L'amour c'est surcoté
Timide, maladroit, hanté par la mort de son meilleur ami, Anis (Hakim Jemili) est, avec les femmes, un virtuose du râteau. Et ses peu charitables amis - dont un surdoué de la blague raciste - ne l'aident pas. Pourtant, lorsque Anis se lance, son festival de maladresses séduit Madeleine (Laura Felpin), une vraie délurée. Leurs parents et leurs milieux respectifs constituent une nouvelle épreuve.
Avec ce film de copains, de familles, de communautés, les premiers pas du romancier Mourad Winter empruntent les pistes classiques de la comédie. Sur des dialogues dans le style du stand-up, l'ensemble est gai, énergique et très enlevé. — J.-F. J.
Les films qu’on peut voir cette semaine
Mexico 86
Lors du Mondial de foot au Mexique, les huiles du Guatemala sont attendues en tribune. Maria, dissidente en exil (Bérénice Bejo en Barbie guérillera à la grande collection de flingues et de perruques), se démène pour faire fuiter dans la presse mexicaine les preuves des atrocités du régime guatémaltèque contre ses opposants. Son fiston de 10 ans, fan des Jedi rebelles de « Star Wars », doit quitter sa grand-mère malade et s'installer avec sa révolutionnaire de mère, tiraillée entre ses idéaux et le fruit de ses entrailles.
Après le drame « Nuestras madres » (2019), César Díaz dédie ce thriller à la sienne, de madre, et frise un poco le pathos. — L. S.
Le Clan des bêtes
Ce film de l'Américain Christopher Andrews commence très fort. Dans une lointaine contrée irlandaise, la haine, venue du passé mais aussi d'un présent mystérieux, s'installe peu à peu entre des bergers taiseux. Il y a des regards lourds, des blessures mal refermées et des brebis éventrées, les pattes coupées, qui gisent dans les prairies. Qui les massacre et pourquoi ?
Dommage que cette ambiance à la Sam Peckinpah ne permette pas au film de tenir la distance, car, faute d'un scénario plus nerveux, il arrive qu'on regarde discrètement sa montre. — A.-S. M.
Canard du 16/04/2025
Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère) (Prends l'oseille et thaï-toi ?)
MIS À PART le beau « Josep », d'Aurel (dessinateur au « Canard »), qui obtint le césar du film d'animation en 2021, il y a peu de bons films diffusés en France consacrés aux relations entre grands-parents et petits-enfants, alors que ce sujet fait l'objet de comédies parfois consternantes, comme « Boutchou » (2020), d'Adrien Piquet-Gauthier.
Ce film du Thaïlandais Pat Boonnitipat commence comme un monument de cynisme et s'achève dans la nostalgie et la tendresse. Jaloux de sa cousine, qui a hérité de son grand-père après s'être occupée de lui dans ses derniers instants, M, un jeune adulte qui se cherche, décide de s'installer chez sa grand-mère, à qui l'on vient de diagnostiquer un cancer en phase terminale. Son but : se rendre indispensable, se faire aimer et hériter des économies et de la petite maison de son aïeule. Sauf que, loin de fondre d'amour pour lui, la vieille voit clair dans son jeu et fait tout pour l'éloigner.
Leur petit jeu du chat et de la souris est d'une saveur particulière, car, dans les sarcasmes, l'ironie et le double jeu, les deux vont développer une relation exceptionnelle. Jusqu'au coup de théâtre final… Succès phénoménal au box-office dans toute l'Asie, mais aussi dans nombre de pays d'Europe, « Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère) » est une magnifique réflexion sur le temps qui passe, le don et la transmission. — Anne-Sophie Mercier
Les films qu’on peut voir cette semaine
Toxic
Confiée à sa grand-mère, en Lituanie, Marija, 13 ans, une beauté qui boîte, est harcelée par une bande. Elle finit par se lier avec sa meneuse, Kristina, qui, pour maigrir en vue d'un concours de mannequins, ingère des œufs de ver solitaire…
Eclosion éclatante de la jeunesse, sur fond d'une cité industrielle post- soviétique ravagée. Ce très beau premier film de la Lituanienne Saulé Bliuvaité évoque admirablement l'âge où l'on hait son corps, et l'amitié entre jeunes filles comme remède contre un monde sans pitié. Il a raflé le Leopard d'or et deux autres prix à Locarno. — D. F
Harvest
Dans un village anglais, autrefois, des paysans pauvres travaillent sous la protection d'un seigneur doux et rêveur. Son riche cousin surgit et chasse les habitants pour développer l'élevage. Le taciturne Walt (Caleb Landry Jones, puissant) va-t-il sonner la révolte ?
Adaptant un âpre roman pastoral de Jim Crace, la Grecque Athina Rachel Tsangari décrit une étrange invasion du mal dans une communauté soudée par ses valeurs morales. La beauté des images lentes, leur lumière contrastent de manière fascinante avec une immense violence visible ou contenue. — J.-F. J.
Oxana
Portrait d'Oksana Chatchko (1987-2018), créatrice des Femen, en sainte et martyre. De la petite Ukrainienne qui peignait des icônes à la jeune femme défiant, seins nus, Poutine et ses émules, jusqu'à l'artiste désespérée qui s'est suicidée en France.
Charlène Favier esquive de peu l'hagiographie en construisant son film en flash-back à partir de la dernière journée d'Oksana, qu'elle réinvente. A la manière du « Feu follet », de Drieu la Rochelle, transposé au cinéma par Louis Malle puis par Joachim Trier… La liberté de la fiction pour toucher au point d'incandescence de la révolte. — D. F
Dimanches
Le fossé entre générations a inspiré l'Ouzbek Shokir Kholikov, qui signe un premier film impressionnant de justesse. Un vieux couple de paysans subit les assauts de leurs deux fils qui font intrusion chez eux pour les forcer à accepter la démolition de leur maison. C'est le choc de deux mondes, l'affection ne suffisant plus à cacher la violence des sentiments. On pense à « Voyage à Tokyo » (1953), d'Ozu, et on savoure : c'est lent, c'est magnifique. — A.-S. M.
Sinners
Blasés de fricoter avec Al Capone, des jumeaux (noirs) - interprétés par Michael B. Jordan, bluffant - rentrent dans leur Mississippi pour ouvrir un club de blues, quitte à se coltiner les encagoulés du Ku Klux Klan. Ces deux joyeux pécheurs (« sinners »), qui ont le démon de la musique et de la boisson, débauchent leur neveu, au chant si divin qu'il en réveille les esprits alentour. Dont un trio de vampires (blancs), mordus de ballades irlandaises.
Le réalisateur Ryan Coogler quitte le Wakanda (« Black Panther ») pour le bayou et signe là un délicieux film d'épouvante. — L. S.
Lettres siciliennes
Quand « Le Proviseur » (Toni Servillo) sort de prison, personne en Sicile ne s'intéresse plus à cet ex-élu, sauf la police, qui le menace pour qu'il débusque son filleul, dernier parrain en liberté. Planqué, celui-ci communique par petits papiers codés avec l'extérieur.
Ce portrait de repenti de Fabio Grassadonia et Antonio Piazza raconte le quotidien des émules de Don Corleone. Partout règnent la peur, le mépris, la médiocrité des sentiments asservis à l'inepte féodalisme des clans. — J.-F. J.
Aimons-nous vivants
Antoine Toussaint (Gérard Darmon), crooner en fin de carrière, part à Genève afin d'y mourir. Victoire (Valérie Lemercier), bipolaire sortant de prison, est, elle, en Suisse pour le mariage de sa fille qui ne veut pas la voir. Fan du chanteur, elle va contrarier son suicide assisté.
Jean-Pierre Améris signe une comédie sans prétention, souvent drôle et soutenue par deux personnages de malade au profil plus complexe qu'on ne l 'aurait soupçonné. — J.-F. J.
Les films qu’on peut voir à la rigueur
La Réparation
Le grand chef Jankowski (Clovis Cornillac) est fébrile, à un jour de savoir s'il décroche une troisième étoile, lorsqu'il apprend que sa fille unique rêve de quitter le nid avec son second de cuisine. Au cours d'une partie de chasse, les deux hommes disparaissent. Deux ans plus tard, la jeune femme reçoit une invitation pour un festival culinaire à Taïwan.
Musique omniprésente, scénario convenu, images soignées : pour son retour au cinéma, l'écrivain et réalisateur Régis Wargnier donne un thriller culinaire ancré dans l'analyse des saveurs mais qui n'offre guère de surprise sous le palais. — D. F
Les films qu’on peut ne pas voir
Le Mélange des genres
Une femme flic décide d'infiltrer un collectif de féministes radicales qu'elle suspecte de complicité de meurtre. Démasquée, elle décide, pour s'en sortir, d'accuser de viol un gars choisi au hasard, qui se trouve être le plus respectueux et le moins macho des hommes.
Benjamin Lavernhe, toujours aussi talentueux, peut-il sauver à lui seul ce film médiocre et lourdingue réalisé par Michel Leclerc ? La réponse est non. — A.-S. M.
Minecraft, le film
Avec Margot et Maurine. Un fan de mines découvre un portail vers un monde où on crée ce qu'on imagine. Plus tard, un groupe de 4 entre dans ce monde et s'y trouve enfermé. Les aventures commencent ! Pas de génie dans ce film d'animation mais quelques clins d'œil. Ma note : 8,5 / 10
Canard du 09/04/2025
La Jeune Femme à l'aiguille (Noir et blanc, très noir…)
AIGUILLE à coudre, aiguille à tricoter, aiguille pour avorter… Chronique d'une déchéance sans appel. A Copenhague, en 1918, une couturière miséreuse a une liaison avec son patron, qu'elle espère épouser… Son mari soldat revient d'entre les morts, la gueule cassée, monstre de foire. Dans un bain public, elle tente d'avorter seule quand une dame secourable la prend en main et lui propose de se charger de son bébé en vue de le faire adopter. L'héroïne finit même par devenir nourrice pour les bébés suivants confiés par des indigentes. Jusqu'à découvrir l'innommable secret de cette supposée placeuse d'enfants.
Des visages hurlants qui se fondent les uns dans les autres, une musique électronique sinistre, un scénario à la serpe qui descend jusqu'au bout de la spirale du malheur. Le Suédois installé en Pologne Magnus von Horn s'inspire des débuts du cinéma - de « La Sortie de l'usine Lumière à Lyon » (1895) à l'expressionnisme allemand ou à « Freaks » (1932), de Tod Browning - pour revisiter l'« affaire criminelle la plus controversée de l'histoire du Danemark », celle de Dagmar Overbye, aide-soignante et tueuse en série.
Le traitement historique dans un noir et blanc stylisé, à froid, et la confrontation avec le problème du mal minant une société peuvent rappeler Pawel Pawlikowski ou le Michael Haneke du « Ruban blanc » (2009). Victoria Carmen Sonne incarne avec force cette héroïne ambivalente face à Trine Dyrholm, terrifiante en désaxée.
Vous ne regarderez plus jamais une aiguille de la même façon. Ni un poêle en faïence… — David Fontaine
Les films qu’on peut voir cette semaine
Mikado
Une famille avec deux enfants qui fuit la société à bord d'un combi pose enfin ses valises dans la maison enchanteresse d'un prof veuf dont la fille finit par se lier à l'aînée des arrivants…
Délaissant la comédie, Baya Kasmi donne un film de découverte et d'apprivoisement joliment troussé qui dessine avec tendresse des personnages d'écorchés généreux et d'ados délicates. Aux côtés de ses acteurs fétiches et radieux, Vimala Pons ou Ramzy Bedia, Patience Munchenbach, dans le rôle de la jeune Nuage, déploie une grâce aérienne. — D. F.
Zion
Dans une banlieue de la Guadeloupe, Chris, sans emploi, a bien du mal à s'occuper de lui. Et a fortiori du bébé qu'on a déposé devant sa porte… Comme il vient d'accepter de jouer les livreurs pour le caïd local, il n'a d'autre choix que d'emporter le timoun avec lui. Tout en cherchant la mère qui lui a fait ce cadeau.
Derrière cette course haletante, la déshérence d'une partie de la jeunesse antillaise, entre deal, affrontements de rue et éclatement des structures familiales. Débutant, Nelson Foix filme le tout avec une maîtrise bluffante. Et une vraie compassion pour son pays blessé. — J.-F. J.
Her Story
Une mère divorcée, Tiemei, emménage avec sa fille dans un nouveau quartier à Shanghai. Et sympathise avec sa jeune voisine, Ye, fantasque et fleur bleue. Or l'ex-mari de Tiemei prend fort mal qu'un jeune copain de Ye s'intéresse à son ex-épouse.
Un trio de femmes se moque aimablement des hommes, tandis que ces derniers se lancent dans un « concours de virilité », à celui qui se montrera le plus déconstruit… Cette comédie de la trentenaire Shao Yihui, qui renverse les rôles établis, a fait un tabac en Chine auprès du public féminin. Gentiment naïve, elle va plus loin qu'il n'y paraît. Quand les Chinoises cherchent noise aux genres ! — D. F.
Voyage avec mon père
Une journaliste américaine embarque son père, survivant de la Shoah, sur les traces de son enfance à Lodz, en Pologne. Ce film subtil et brillant de Julia von Heinz traite de la façon de survivre : silence et évitement pour le père, qui a perdu toute sa famille dans les chambres à gaz, boulimie d'informations pour sa fille, qui doit gérer le vide et le mutisme parental. C'est de la confrontation entre leurs sensibilités que naissent les moments comiques du film, alternant avec des moments d'une rare intensité (la scène de la théière…). Stephen Fry et Lena Dunham sont impressionnants. — A.-S. M.
Le Village aux portes du paradis
Le vieil homme, la mer et l'enfant… ou la Somalie révélée ! Fossoyeur à ses heures, un père âgé se décarcasse pour donner une éducation à son fiston, tandis que sa sœur, divorcée, revient vivre avec eux.
Tourné en Somalie même, ce film de Mo Harawe célèbre l'autre face du pays, lumineuse et généreuse, malgré le spectre de la guerre. Au bord de l'océan, la vie continue au grand vent, entre des villageois pudiques aux souffrances contenues. L'inverse de l'enfer décrit par les médias. — D. F.
A la lueur de la chandelle
Au Portugal, la vie de deux femmes dans la même maison, représentées à différents moments de leur existence. Elles sont d'abord montrées dans leur grand âge, désœuvrées, réduites aux gestes de nécessité que le temps dévitalise. On les voit petites filles, puis l'une d'elles demandée en mariage, mère. L'autre ne se marie pas. Elles finiront par se détester.
Ce film tout intérieur d'André Gil Mata emprunte par moments au cinéma immobile du « Jeanne Dielman » de Chantal Akerman. D'admirables plans fixes succèdent à d'autres plans. Le héros n'est ni le passé ni le présent, mais le temps lui-même. — J.-F. J.
Dog Man
Une bombe laisse un policier et son chien à moitié carbonisés. La tête du cabot est greffée sur le corps de son maître, et voilà Dog Man « supa cop ! » (superflic) qui veille sur Ohkay City. Il déjoue les pièges du « chat le plus maléfique et cruel au monde ». Jusqu'à ce que le félin se fasse cloner, sous la forme d'un gentil chaton, à son tour proie de l'horrifique Bubulle, poiscaille zombie… Papatte problème, Dog Man est là.
Avec ce nouveau DreamWorks tout sauf sage, Peter Hastings, le producteur de « Kung Fu Panda », signe une adaptation explosive d'une série BD à succès (dès 6 ans). Ça envoie de la pâtée ! — L. S.
Les films qu’on peut voir ou revoir
Requiem For A Dream
Shoot, pupilles dilatées, projection au firmament… La descente aux enfers de quatre accros : une mère juive de Coney Island addict aux jeux télé qui maigrit à coups de pilules (Ellen Burstyn). Son fils étudiant drogué (Jared Leto), qui commence à dealer avec un pote (Marlon Wayans). Et la petite amie du fils (Jennifer Connelly), qui le suit dans la dépendance et finit par se prostituer.
« “Requiem” est un électrochoc », dixit Jared Leto. Ce film de 2000, que Darren Aronofsky a tiré d'un roman de Hubert Selby Jr, n'a rien perdu de sa puissance mentale ni de sa force de frappe esthétique. Le meilleur antidote qui soit au rêve américain et au cauchemar politique auquel il vire actuellement. — D. F.
Christian Jacq - Les enquêtes de l'inspecteur Higgins - La vengeance d'Anubis
La statue d'Anubis entre dans Londres pour une expo exceptionnelle. Mais on y découvre cadavre. Higgins est sollicité ! Ma note : 7 / 10
Canard du 02-04-2025
The Grill (Saignant ou à poings ?)
UNE JEUNE MIGRANTE hispanique débarque dans les cuisines labyrinthiques d'un vaste restaurant de Times Square, à New York. Le premier cercle de l'enfer ? Elle est employée aux côtés de Pedro, un vibrionnant cuisinier mexicain sans papiers qui ne cesse de provoquer, de haranguer, de circuler. Il est à cran, car Julia, une serveuse dont il est amoureux, préfère avorter après être tombée enceinte de lui. Par-dessus le marché, un trou de 800 dollars dans la caisse de la veille lui est imputé…
Dans un noir et blanc au couteau, le cinéaste mexicain Alonso Ruizpalacios, qui a jadis travaillé dans un restaurant à Londres, donne une adaptation épique de la pièce d'Arnold Wesker « The Kitchen » (1959), elle-même inspirée de l'expérience de l'auteur dans un restau de Norwich. Autant dire que la recette est épicée, le drame puissant, et certaines scènes paroxystiques : concours d'injures dans toutes les langues ; inondation monstre quand déborde la fontaine de « Cherry Coke » (Coca goût cerise) ; retrouvailles brûlantes dans la chambre froide… Les cuisines figurent ici le fameux melting-pot américain, le chaudron social où mitonne à l'étouffée la tragédie des migrants, au risque d'exploser dans toute sa violence. Rooney Mara est d'une rare subtilité face à Raúl Briones, qui a appris l'anglais pour l'occasion et brille par sa maestria.
Un film aussi élaboré et délicatement assaisonné qu'un menu de grand chef ! — David Fontaine
Les films qu’on peut voir cette semaine
Au pays de nos frères
Le jeune Mohammad fond pour la sœur de Qasem, Leila, promise à un autre. Ces trois Afghans ont fui l'invasion américaine et ont trouvé asile en Iran, le « pays de leurs frères » … « Fraternité », façon de parler, au vu de l'accueil réservé à ces étrangers, que l'on suit d'une chute de Kaboul à l'autre (2001-2021).
Les Iraniens Raha Amir-fazli et Alireza Ghasemi, eux-mêmes en exil, tressent un premier film d'une délicatesse foudroyante, prix de la réalisation au Festival de Sundance, sur les odyssées mêlées de ces trois réfugiés. — L. S.
Jeunesse (Les Tourments)
Zhili, ville-usine de Chine : des milliers de jeunes s'entassent dans un décor de béton pour faire vrombir nuit et jour des machines à coudre. Une ouvrière, à la traîne, craque. Un jeune homme désespère de toucher son salaire. Le personnel d'un atelier voit son patron dérouiller un fournisseur. Un ouvrier raconte sa détention après la répression des grèves de 2011. Deuxième volet, très impressionnant (3 h 46), de la trilogie du grand documentariste Wang Bing, qui en dit plus long sur les bagnes économiques de la Chine que bien des études. — D. F.
Ce n'est qu'un au revoir
Dans un pensionnat de Die (Drôme), une bande de copines est déjà nostalgique à l'idée que la vie les sépare. Dans un lycée de Hénin-Beaumont, Linda s'apprête à déménager, attristant sa meilleure amie, Irina.
Grand peintre des sentiments - d'« Un monde sans femmes » (2011) à « A l'abordage » (2020) -, Guillaume Brac donne dans ce diptyque documentaire des portraits sensibles de jeunes filles en fleurs et en doutes, en éclats de rire et chagrins contenus. Où de petits riens trahissent presque tout. Superbe. — D. F.
Songe
Vivant dans un camp palestinien, Sami, 12 ans, n'a de cesse de retrouver son pigeon apprivoisé, qui s'est envolé. Est-il retourné à Haïfa, la ville d'Israël où il a été acheté ? L'oncle du garçon accepte de l'y emmener, à travers les check-points et malgré les soldats…
Dans cette balade en minibus de la Cisjordanie vers Israël, Rashid Masharawi donne à voir, hors conflit, les soucis, entraves et brimades qui pourrissent le quotidien des Palestiniens, si souvent traités en citoyens de seconde zone. Avec humour et légèreté, comme le pigeon insoucieux des frontières. — J.-F. J.
Lads
Jeune délinquant, Ethan, 17 ans, tente sa chance dans le milieu fermé et ultraviolent des jockeys spécialisés dans la course d'obstacles. Sa sensibilité et son amour des chevaux constituent autant de freins à son ascension - ah, la magnifique scène de jeu et de danse entre un jockey et son poulain… Très belle réalisation de Julien Menanteau pour ce premier film épaulé par un trio d'acteurs de choc : le jeune Marco Luraschi, Jeanne Balibar, très impressionnante, et Marc Barbé, fort convaincant dans le rôle du vieux jockey brisé. — A.-S. M.
Fanon
Jean-Claude Barny a eu l'excellente idée de centrer son film sur la période algérienne de la vie de Frantz Fanon (1925-1961), le grand penseur de l'anti colonialisme. Muté à Blida en 1953, le jeune psychiatre martiniquais, confronté à la condition inhumaine des internés algériens et à la dureté des affrontements entre colons et colonisés, y termine le manuscrit des « Damnés de la terre ».
Le film rend bien compte de son tournant personnel, de la finesse de son analyse sur l'aliénation du colonisé et évite l'écueil du manichéisme grâce au beau personnage du sergent Rolland (Stanislas Merhar), un adepte de la torture qui jette les armes. — A.-S. M.
Natacha (presque) hôtesse de l'air
Grande tige aux cheveux raides, Natacha (Camille Lou) se retrouve mêlée au vol de « La Joconde » avec son collègue Walter (Vincent Dedienne), steward jouant les mâles alpha. Entre un ministre des Transports incompétent (Didier Bourdon), une amoureuse transie (Elsa Zylberstein) et une descendante de Monna Lisa qui flingue à tout-va (Isabelle Adjani), ce road-movie transforme la BD de Gos et Walthéry en une comédie féministe inspirée. Noémie Saglio, l'autrice de « Connasse », multiplie les clins d'œil au complotisme ou au sexisme, dans une joyeuse atmosphère vintage — E. So.
Les films qu’on peut voir à la rigueur
Deux sœurs
Se réveillant toujours en sursaut, Pansy enguirlande aussitôt son monde : ses proches comme les inconnus qu'elle croise. Seule son aimable sœur semble la comprendre, et l'adjure d'aller se recueillir sur la tombe de leur mère.
Revenant au film social, en se concentrant sur la communauté noire britannique, Mike Leigh brosse le portrait d'une misanthrope au féminin et au carré. Son héroïne se montre si antipathique qu'elle repousse le spectateur. La démonstration de l'étude d'un caractère poussée au maximum ? — D. F.
Wet Monday
En Pologne, deux sœurs se préparent au rituel du lundi de Pâques, qui veut que les garçons coursent les filles pour les arroser. Or la cadette a la phobie de l'eau depuis la précédente célébration…
Cette première réalisation de Justyna Mytnik emprunte le détour du folklore pour raconter un trauma mal enfoui, avec un message résolument féministe. Dommage qu'elle n'ait pas poussé plus loin l'aspect fantastique de ce film pavé de bonnes intentions. — D. F.
Émilie Pérèz
C+ Une brillante avocate mexicaine (noire) est engagée par un des plus grands parrains des cartels pour le faire devenir secrètement femme. Plus tard, il (elle) la retrouve pour lui organiser un retour à Mexico comme "tante" de ses enfants. Mais lorsque sa femme choisit de se remarier et partir avec les enfants, tout explose. Un film parsemé de chansons (dont la dernière musique est de Brassens !) à la fois passionnant par le thème de la transsexualité, le milieu de la pègre mexicaine, les attaches et la qualité des interprétations mais aussi marqué par des longueurs qui font s'éterniser des scènes. Ma note : 7,5 /10
Après la nuit
6 épisodes Un violeur s'introduit chez une femme dont le mari pourrait être le prochain maire. Elle ne dit rien. Lorsqu'une femme subit un autre agression, une gendarme soupçonne un violeur en série. D'autres femmes sont victimes, l'enquête piétine, ls soupçons naviguent, des prélèvements ne donnent rien. Et puis… A la fois dans l'enquête et témoin des retours des victimes, cette série est très bien construite, notamment par l'intensité du jeu des actrices. Ma note : 8 / 10
Canard du 26-03-2025
Le Joueur de go (Samouraï qui raye)
LES POISSONS ne survivent pas dans l'eau claire. Cette phrase sibylline lancée au samouraï déchu Yanagida par son pire ennemi est le fil rouge de ce magnifique long-métrage de Kazuya Shiraishi - son cinquième, mais le premier à être distribué en France. Quel sens peut bien avoir l'obsession de la pureté, de l'honnêteté absolue, si elle sème la violence et la mort parmi les proches ?
Yanagida, qui fut un jeune samouraï intransigeant dans la poursuite de cette quête en ce début de XIXe siècle, vit désormais modestement à Edo avec sa fille, rythmant la monotonie de ses journées silencieuses par des parties de go. Pratiquer ce jeu, auquel il excelle, est sa manière de canaliser la violence qui le dévore, car son calme apparent cache une vie fracturée par le déshonneur et le deuil.
Admirablement filmés, ces moments où se croisent pions noirs et blancs sous les regards intenses des joueurs - chaque partie étant l'occasion d'une réflexion sur le sens de l'existence - sont d'une force exceptionnelle, que l'on sache ou non jouer au go Faut-il nécessairement évoquer Akira Kurosawa, grand maître du film de samouraïs ? Si Shiraishi fait figure de digne héritier, renouvelant un genre qui s'était épuisé, il s'écarte de son glorieux prédécesseur en dépeignant un samouraï qui parvient à trouver la paix en décidant, après une longue réflexion, de jeter à la rivière tout ce en quoi il croyait.
Un superbe film sur l'émancipation. — Anne-Sophie Mercier
Les films qu’on peut voir cette semaine
Tardes de soledad
Ces « après-midis de solitude », le torero péruvien Andrés Roca Rey les passe face au taureau, les yeux dans les yeux. Le cinéaste catalan Albert Serra filme son recueillement, l'habillage, les rituels qui codifient la tauromachie. Mais aussi, en plan fixe, à bord de son minibus, les compliments machos de ces hommes et leur effroi une fois qu'il sort.
Filmé au plus près, c'est un spectacle éblouissant ou écœurant, selon l'idée qu'on se fait de la corrida. Un ballet somptueux avec la mort, ou une exécution impitoyable, dégoulinante de sang, qui ne laisse aucune chance au taureau. A chacun de se faire sa religion. — D. F.
Manas
Sur l'île de Marajó, en Amazonie, grandit la belle Tielle, 13 ans, dans des paysages paradisiaques. Mais sa vie tourne à l'enfer entre un père violent et abuseur, et des marins de passage sur leur barge…
Venue du documentaire, Marianna Brennand donne une fiction sensible, nourrie du réel le plus cruel. De l'observation des gestes quotidiens d'une jeune fille délicate au sombre destin qui la rend mélancolique. L'ambivalence de la mère ou de l'épicière est bien rendue. Et la jeune Jamilli Correa fait des débuts éclatants face, notamment, à Fátima Macedo.
No Beast So Fierce
Traduction : « Aucune bête n'est assez féroce » … pour rivaliser avec des humains en guerre. Dans un Berlin crépusculaire de chantiers et de terrains vagues s'affrontent deux clans, les York et les Lancaster. La plus diabolique, Rashida York, finit par devenir reine de la pègre. Mais ne va-t-elle pas trouver pire qu'elle ?
L'Allemand Burhan Qurbani adapte, en changeant d'époque, de pays et de communautés, le « Richard III » de Shakespeare sur de belles musiques lancinantes. La quête obsessionnelle, dévastatrice, du pouvoir - grand thème du génie anglais - trouve ici une illustration aussi étrange que fascinante. — D. F.
Belladone
La belladone, une baie toxique violette, pullule sur l'île qu'habitent la jeune Gaëlle (Nadia Tereszkiewicz) et un groupe de personnes âgées. Alors qu'ils mènent une vie coupée de tout, des voyageurs débarquent et ramènent la joie parmi les seniors. Pourtant, ils meurent les uns après les autres, et Gaëlle s'interroge : les étrangers sont-ils responsables ? Et la belladone ? Ce film, réalisé par Alanté Kavaïté, questionne le lien entre les générations et célèbre la vie malgré tout ! — L. T.
I Am Gitmo
Combien furent-ils à croupir, après les attentats du 11-Septembre, dans les geôles de Guantánamo ? La CIA n'a jamais accepté de le dire, mais on pense aujourd'hui qu'il y en eut plus de 800. En grande majorité des innocents. L'Amérique devait montrer ses muscles après ces attentats monstres.
Philippe Diaz choisit de raconter l'histoire d'un instituteur égyptien dénoncé par un voisin qui a vécu l'enfer, en montrant les états d'âme de son interrogateur, un vétéran sorti de sa retraite. Ils sont encore 19 à croupir dans cet enfer. Indispensable devoir de mémoire. — A.-S. M.
Some Rain Must Fall
Rarement un manifeste féministe aura atteint une telle force. Cai, une quadra chinoise, ne rit ni ne pleure jamais. Écrasée par un divorce dans lequel elle s'englue, une fille ado mutique, une belle-mère à sa charge perdue dans son passé, des parents lointains et toxiques, elle passe ses rares moments libres à cuisiner ou à faire la lessive. On pense à la Jeanne Dielman de Chantal Akerman, confrontée, elle aussi, à l'aliénation absolue, et on applaudit cette implacable démonstration, que l'on doit au réalisateur Qiu Yang. — A.-S. M.
Le Garçon
Après le magnifique « Les Hirondelles de Kaboul », César 2020 du meilleur film d'animation, Zabou Breitman s'est cette fois associée à Florent Vassault pour réaliser ce film sur une idée géniale : imaginer la vie d'un homme à partir d'un album de photos de famille acheté dans une brocante. C'est donc une enquête familiale, mais aussi une rêverie sur la notion d'identité, qui mêle des moments de pur documentaire à de la fiction. Ce biopic d'un parfait inconnu est une réussite, servie par l'interprétation d'Isabelle Nanty et de François Berléand. — A.-S. M.
Les films qu’on peut voir à la rigueur
Je le jure
En Moselle, un ouvrier taiseux vit, sans l'assumer, en couple avec une femme ayant l'âge de sa mère. Il est tiré au sort comme juré d'assises afin de juger en appel un jeune pyromane.
Ce film de procès à coloration sociale tourné avec des héros non professionnels n'emporte pas vraiment la conviction, malgré son réalisme judiciaire. Faute d'intensité dramatique, il ne fait pas figure d'objet du scandale, alors que son réalisateur, Samuel Theis, est poursuivi pour des violences sexuelles sur le tournage. Une procédure qui a failli avoir raison du film. — D. F.
Franjo
Avec Adeline et Phil. Incisif, voire hors woke ! mais pas trop et drôle sans discontinuer. Un spectacle certes un peu court mais sans moment creux. Très belle découverte agrémentée d'une première partie par Julien Strelzyk, très sympa. Ma note : 7,5 / 10
Canard du 19-03-2025
Aïcha (Aya comme un problème)
MOURIR, disparaître et renaître ailleurs. C'est le rêve que poursuit et accomplit Aya, travailleuse pauvre de Tozeur, dans le sud de la Tunisie. Le minibus qui l'emmène jusqu'au palace où elle nettoie les chambres et les toilettes des riches bascule dans un ravin. Seule survivante, cachée, Aya est déclarée morte. Elle fuit vers Tunis sous l'anonymat d'un voile intégral.
Sororité d'une coloc compréhensive, découverte de la liberté, du flirt, de la fête, de la vie flamboyante. Aya devient l'Aïcha des « Mille et Une Nuits ». Jusqu'au jour où un homme à qui elle a trop souri se voit provoqué par un jaloux, puis battu à mort par des vigiles auxquels se sont mêlés des flics ripoux. Le rideau se déchire : double jeu des amis, violence d'un milieu tenu par la drogue et l'argent sale, corruption de la police, où seul surnage un sous-fifre intègre et blessé par la vie.
De la révolution tunisienne, qui va fêter ses 15 ans, et de ses désillusions ne subsiste qu'un héritage, immuable : le désir de justice d'un peuple. C'est ce que montre - à coups d'images des manifs de rue, des regards de subalternes, du luxe des possédants - la caméra de Mehdi M. Barsaoui. Les étonnantes métamorphoses physiques d'Aya accompagnent son changement de vie et de perception des événements. Au sourire contraint des années hôtelières succède le look rebelle de la fêtarde, puis l'œil éteint du témoin dégrisé. Pour continuer sa route, Aya devra renaître de nouveau. — Jean-François Julliard
Les films qu’on peut voir cette semaine
Lumière - L'Aventure continue !
Une célèbre sortie d'usine. Une charge de cavalerie surgie de l'horizon. Le bercement de l 'eau à Venise. Un départ à Chamonix. Un travelling arrimé à un transatlantique ou au toit d'une locomotive. Deux bébés qui se disputent une cuillère… et un opérateur perdu dans la foule d'une inauguration.
En 1895, les frères Lumière inventaient le cinématographe - une petite caméra qui pouvait se faire projecteur - ainsi que le principe de la projection sur grand écran et en public. Un art pour le peuple et par le peuple. Tirée du trésor de leurs 1 500 films de cinquante secondes en cours de restauration, cette nouvelle anthologie commentée par Thierry Frémaux invite à « se nettoyer les yeux » dans l'eau pure du cinéma des origines, dans le courant limpide des premières images jamais tournées et si nettes.
Sur la musique de Gabriel Fauré, qui véhicule une indicible nostalgie, c'est un éblouissement renouvelé 24 fois par seconde. — D. F.
Radio Prague
Sous-titré « Les Ondes de la révolte », ce film de Jirí Mádl raconte comment, dès 1967, le service international de la radio d'Etat tchécoslovaque a contribué à l'avènement du Printemps de Prague, jusqu'à la brutale répression soviétique d'août 1968.
Menée par Milan Weiner (1924-1969), une jeune équipe réinventait le journalisme et donnait la parole aux auditeurs. Mêlées à la reconstitution, les images d'archives sont saisissantes. Le climat de liberté politique et sexuelle, la joie communicative de faire l'Histoire sont bien rendus. De quoi prendre la mesure de ce qu'a pu représenter le mercenariat de certains journalistes français au service d'une sécurité d'Etat tchécoslovaque quasi totalitaire. — D. F.
Prosper
Un chauffeur Uber à la ramasse s'approprie les bottines d'un roi de la sape et hérite de sa personnalité conquérante. Sur le thème classique du personnage dédoublé, Yohann Gloaguen donne une comédie attachante. Elle doit tout à l'irrésistible acteur Jean-Pascal Zadi, face à Cindy Bruna, qui montre un bel abattage. A partir d'une idée du producteur Thierry Lounas, le film a le mérite de plonger dans le milieu de la Sape, la fameuse Société des ambianceurs et personnes élégantes, qui brillent par leur art vestimentaire à la congolaise. — D. F.
Baby
Sortant d'une prison pour mineurs, Baby erre dans São Paulo à la recherche d'un emploi ou d'un but. Dans un cinéma porno, il rencontre Ronaldo, qui devient son amant et souteneur. La liaison est orageuse et le milieu, où règne le narcotrafic, menaçant.
Ce portrait par le Brésilien Marcelo Caetano d'un jeune garçon en déshérence aurait pu tourner au polar convenu dans les bas-fonds. Mais la peinture des sentiments prend le pas sur l'intrigue. Dans un monde de cynisme et de violence, loyauté et tendresse peuvent se frayer un chemin. — J.-F. J.
Les films qu’on peut voir à la rigueur
The Insider
A Londres, un maître espion en couple avec une collègue doit enquêter sur une fuite et invite à dîner deux autres couples d'espions sous ses ordres pour un cruel jeu de la vérité.
Manip et contre-manip, services secrets et sentiments cryptés… Cet exercice de style soigné au casting impeccable, signé Steven Soderbergh, sur un scénario de David Koepp, n'a ni le charme original ni le mystère de « Presence », sorti le 5 février, dû aux deux mêmes. — D. F.
La Cache
Un quart de siècle après la Seconde Guerre mondiale, une famille juive recluse dans son bel appartement parisien vit dans la hantise de la persécution antisémite. Les événements de Mai-68, qui fascinent Christophe, ainsi que son père, Luc, et son oncle Christian - futurs sociologue et plasticien célèbres -, augmentent la peur dans la cache.
Cette adaptation par Lionel Baier du roman autobiographique de Christophe Boltanski (prix Femina), dans laquelle Michel Blanc joue l'un de ses derniers rôles, hésite entre réalisme, anachronisme et fantasmagorie. Malgré l'épaisseur de certains personnages, c'est un peu lassant. — J.-F. J.
Vermiglio
En 1944, dans les montagnes du Haut-Adige, l'arrivée d'un soldat sicilien rescapé du front de l'Est trouble la famille nombreuse du maître d'école, quand l'aînée tombe amoureuse du nouveau venu.
Couronné par un Lion d'argent à Venise, ce film de Maura Delpero, qui a tourné dans le village d'enfance de son père, a fait l'admiration de Jane Campion. Il brille par ses plans alpins, mais son scénario, à la fois brouillon et compassé, s'étire. Et le film manque de force. Che peccato ! — D. F.
Les films qu’on peut ne pas voir
Quelque chose de vieux, quelque chose de neuf, quelque chose d'emprunté
Prospérité et déboires d'un clan mafieux, près de Buenos Aires, vivant du commerce des paris sportifs clandestins. Le père de famille meurt, la police devient moins coulante, la concurrence des jeux sur Internet menace.
L'Argentin Hernán Rosselli a inséré et scénarisé des vidéos authentiques pour reconstituer une histoire de petits truands. Sa bonne idée est gâchée par une réalisation embrouillée et des allusions obscures. — J.-F. J.
Canard du 12-03-2025
La Convocation (Enjeux d'enfants)
ARMAND a-t-il agressé ou menacé sexuellement Jon ? Ils n'ont pourtant que 6 ans… Un incident allégué impliquant deux élèves d'une école norvégienne donne lieu à une convocation de leurs parents, sous la responsabilité d'une institutrice. D'un côté, la fantasque Elisabeth, très remontée de voir son fiston accusé sans preuves. De l'autre, le couple en apparence plus raisonnable formé par Sarah et Anders. Ils sont rejoints ensuite par le directeur, flanqué de son adjointe qui saigne du nez.
Un différend entre enfants - qu'on ne voit jamais - déchaîne les passions des adultes, comme dans « Carnage » (2011), de Roman Polanski. Mais le traitement est ici différent. Le Norvégien Halfdan Ullmann Tøndel installe un puissant et sombre huis clos à la scandinave, avec révélations sur les rapports secrets entre les personnages. Mais il ne cesse d'emprunter des chemins de traverse : apartés hors norme dans des lieux insolites, soudaines scènes de danse où culminent les tensions, tandis que débute, à l'étage du dessous, une réunion parents-profs qui devient le chœur du drame principal. Dans le rôle d'Elisabeth brille Renate Reinsve, qui coproduit le film et qui avait déjà été couronnée par le prix d'interprétation féminine à Cannes pour « Julie (en 12 chapitres) » (2021), de Joachim Trier.
Se plaçant sous le patronage et l'inspiration de Luis Buñuel, Tondel a remporté la Caméra d'or à Cannes pour ce coup de maître, qui convoque l'éventail des passions humaines. — David Fontaine
Les films qu’on peut voir cette semaine
The Last Showgirl
Crépuscule d'une danseuse de Las Vegas. Son show est supprimé, et c'est la fin du monde pour Shelly, quinqua à la voix de petite fille qui monte encore sur scène mais esquinte ses ailes d'ange factice en coulisses.
Complicité de troupe, rapports difficiles avec sa fille, idylle impossible avec le manageur… Tiré d'une pièce sur la fin du show mythique de Vegas « Jubilee ! », ce film touchant de Gia Coppola (petite-fille de Francis ) semble un écrin pour Pamela Anderson, la star de la série « Alerte à Malibu », qui resurgit, magnifiée, sans fard et à fleur de peau. Jamie Lee Curtis éclate dans le rôle d'une copine serveuse dessalée. Dans le genre vétérans émouvants, le film rappelle « The Wrestler » (2008), de Darren Aronofsky, avec Mickey Rourke, mais en moins abouti. — D. F.
Mickey 17
Dur de mourir à répétition pour renaître chaque fois… Mickey 17 s'embarque comme Remplaçable à tout faire à bord d'un vaisseau spatial parti coloniser, sous la houlette d'un sénateur fou de lui-même, une planète grouillant de vers géants. Mais il se heurte à sa version 18, « répliquée » par erreur.
Le génial cinéaste coréen Bong Joon-ho tourne pour la première fois en anglais et adapte un roman de SF d'Edward Ashton. Son univers est toujours aussi surprenant, mais moins fou - et le mélange des genres moins détonant - que dans ses films coréens. Robert Pattinson se plie en quatre, enfin, en deux, face aux excellentes Naomi Ackie et Anamaria Vartolomei. Tandis que Mark Ruffalo incarne un double de Trump, depuis dépassé par le vrai, qui le ferait presque pâlir ! — D. F.
Berlin, été 42
Arrêtée par la Gestapo, Hilde se remémore sa rencontre avec Hans, opérateur radio clandestin qui cherchait à communiquer avec l'URSS. La vie contrastée d'une jeune résistante amoureuse qui accouche en prison et élève en détention son bébé, Hänschen, jusqu'à sa condamnation à mort.
Ce classique film historique d'Andreas Dresen raconte la jeunesse éclatante, le ralliement sentimental, les espoirs perdus, puis la descente au tombeau de cette cellule de résistants communistes, désignée plus tard sous le nom d'Orchestre rouge. La fin est absolument poignante. — D. F.
Blue Sun Palace
Faut-il toujours raconter un film ? Peut-on se contenter de semer quelques graines au détour d'une minuscule critique de cinéma ? Ici, il faut aimer la mélancolie, ressentir la solitude de l'exil et être touché par des lueurs d'amour. Cela se passe dans la communauté chinoise du Queens, dans un New York que l'on distingue à peine. Ce premier long-métrage de l'Américaine Constance Tsang, récompensé à la Semaine de la critique, à Cannes, est une perle. — M. B.
Black Box Diaries
Shiori Ito, une jeune journaliste japonaise, a été droguée puis violée, le 3 avril 2015, par un aîné dans la profession, proche du Premier ministre Shinzo Abe. L'affaire ayant été étouffée par la police, elle se décide à faire éclater la vérité lors d'une conférence de presse le 29 mai 2017, après avoir enregistré à leur insu les enquêteurs. Elle doit alors s'exiler… C'est l'histoire d'une Japonaise se dressant seule contre les nombreuses « boîtes noires » et les verrous de la justice, de la police et des médias de son pays.
Sélectionné pour l'Oscar du meilleur documentaire, ce film réalisé par Shiori Ito soi-même retrace avec rigueur et pudeur son combat victorieux pour faire changer la loi sur le viol, adoptée sous l'ère Meiji, en 1907. — D. F.
Vers un pays inconnu
Ils sont deux, Chatila et Reda, deux cousins palestiniens vivant de vagues combines dans les rues d'Athènes, en attendant de faux papiers pour se rendre en Allemagne. Contraints, dans leur squat sinistre, de piétiner leurs valeurs pour rassembler l'argent réclamé, comment pourraient-ils conserver un semblant d'humanité ?
Le réalisateur palestino-danois Mahdi Fleifel signe un premier long-métrage au réalisme sombre, primé dans plusieurs festivals, où il n'y a ni bons ni méchants, juste des êtres acculés qui, parfois, laissent entrer en eux un peu de lumière. — A.-S. M.
Les films qu’on peut voir à la rigueur
Parthenope
Dans le paysage sublime de la baie de Naples naît une jeune fille tout aussi sublime, dont la beauté fascine et affole tous ceux qu'elle croise. Une déesse ? Adulée, y compris par son frère, Parthenope se joue des désirs qu'elle ne cesse de susciter, et devient étudiante en anthropologie. Avant de passer dans les bras d'un cardinal.
Paolo Sorrentino continue sa quête éperdue de la beauté, ici passée au crible du temps. Il donne un film aux images somptueuses, à l'allure majestueuse, mais qui semble irréel et trop lisse, n'accrochant jamais, échouant à susciter l'émotion. La beauté célébrée ici semble aussi froide que le « rêve de pierre » auquel la compare Baudelaire. — D. F.
Canard du 05-03-2025
Les Filles du Nil (Patriarcat de force majeure)
SANS voile, sans peur et sans reproche ! Dans le vaste village d'Al Barsha, au bord du Nil, en Moyenne-Égypte, une troupe d'adolescentes joue, chante, danse dans la rue. Et interpelle sans fard les villageois médusés au sujet du choix d'un amoureux, du harcèlement incessant, du simple droit de porter une robe… Les spectateurs hommes ricanent ou encaissent, ne sachant pas sur quel pied danser. Elles sont coptes (chrétiennes), voilà pourquoi elles peuvent se passer du voile. Majda, la meneuse, rêve d'étudier le théâtre au Caire, malgré les sarcasmes de son frère. Monika veut percer dans la chanson, mais son fiancé lui promet un avenir tout tracé de mère au foyer… soi-disant pour rire. Enfin, la fine Haidi aimerait danser mais tombe sous la coupe d'un promis brutal qui l'isole de la troupe.
« Le patriarcat (…) opère aussi par des formes plus douces, par des blagues (…), par manipulation. Il peut aussi prendre la forme de l'amour. » Renversant bien des a priori, ce documentaire décoiffant et débordant d'une énergie communicative a enthousiasmé Cannes, où ses jeunes héroïnes ont fait sensation et où il a décroché l'Œil d'or. Les Egyptiens Nada Riyadh et Ayman El Amir ont tourné pendant quatre ans. Certaines scènes d'explication avec les fiancés ou avec un père à rebours des clichés touchent au point sensible et sont singulièrement émouvantes.
Prenez garde, pharaons et darons, la relève des souveraines Hatchepsout et Cléopâtre est assurée ! — David Fontaine
Les films qu’on peut voir cette semaine
Black Dog
Lang, un ex-cascadeur libéré de prison, revient dans sa ville natale envahie de milliers de chiens errants. Il est affecté à la brigade chargée d'en débarrasser les derniers habitants, mais son amitié pour un cabot noir, réputé enragé, change sa vie.
Ce film inclassable est une réflexion profonde sur la déshumanisation de la Chine, et une ode à ses déclassés. Il est dédié à ceux qui « reprennent la route », à ceux qui se relèvent. On doit cette merveille, récompensée par le prix de la section Un certain regard à Cannes, au réalisateur Hu Guan. — A.-S. M.
Dans la cuisine des Nguyen
A 35 ans passés, Yvonne Nguyen s'acharne à vouloir percer dans la comédie musicale… Mais elle finit par retourner crécher chez ses parents, qui tiennent un restaurant vietnamien.
Ex-rédacteur en chef du site spécialisé dans la comédie musicale Regard en coulisse, Stéphane Ly-Cuong (qui joue d'ailleurs un petit rôle dans « Emilia Pérez ») passe à l'acte avec ce film enlevé où la comédie est appuyée à point, la musique variée et l'humour savoureux. Anh Tran-Nghia est impayable en mamie cuisinière rugueuse ! On y voit aussi avec plaisir Thomas Jolly, le directeur artistique des cérémonies des JO. Le film a reçu le prix du public à Vevey, à Saint-Jean de Luz et à Compiègne. — D. F.
Peaches Goes Bananas
Pensez aux émoticônes en question, et vous saisirez le message subversif ! La chanteuse électro canadienne Peaches compose des chansons très crues. Pendant dix-sept ans, la réalisatrice Marie Losier l'a suivie. Sous les paroles explicites et les costumes provocants (chaussons-tétons et masques-vulves) se dissimule une artiste questionnant les genres.
La caméra se glisse dans les coulisses de sa vie, montrant ses liens fusionnels avec ses parents et sa sœur, atteinte d'une maladie dégénérative. Un film aussi déstabilisant que touchant. Gare à l'indigestion d'émotions ! — L. T.
Cronos
A Mexico, un antiquaire découvre un boîtier en or ensorcelé qui lui rend sa jeunesse, à condition de boire du sang humain. Sa petite-fille s'efforce de le sauver de l'addiction à cet automate démoniaque, que convoitent aussi deux yankees sans scrupule.
Une entrée en fanfare au royaume du bizarre : ce premier film de Guillermo del Toro est resté inédit en France, malgré son grand prix à la Semaine de la critique, à Cannes, en 1993. S'y font déjà jour l'esthétique baroque, la musique symphonique, la caméra sinuant dans les airs et le sens du « mélodrame d'horreur », mêlant épouvante et sentiments. — D. F.
Anna
Sauvageonne par nature, solitaire par choix, Anna élève des chèvres dans une petite ferme de Sardaigne. De féroces pelleteuses surgissent. Un complexe hôtelier doit voir le jour, promesse d'emplois pour la région. Seulement, personne ne l
'a prévenue, et, quand on la somme de produire un acte de propriété, Anna comprend qu'elle risque de tout perdre.
Que pèsent une parole et des souvenirs face au droit des puissants ? Ex-reporter de guerre, Marco Amenta s'est inspiré d'une histoire vraie pour dire ce combat a priori inégal. Rose Aste, dans le rôle-titre, crève l'écran, toutes griffes dehors. Filmée en gros plan, elle est, littéralement, l'âme de sa terre. — F. C.
Les films qu’on peut voir ou revoir
Porcherie
Des porcs au générique. Un homme seul (Pierre Clémenti) dans un paysage volcanique, au XVIe siècle, qui tue, décapite, dévore tout ce qui bouge. Dans un vaste château allemand, un jeune homme d'aujourd'hui (Jean-Pierre Léaud) tient des discours paradoxaux et délaisse une jeune fille transie (Anne Wiazemsky)…
« En réaction à la culture de masse », Pasolini reconnaissait, avec cette œuvre de 1969, « faire des films inconsommables », afin de résister au « fascisme » de la société de consommation. A regarder sans percer l'énigme, pour mieux se mettre à l'écoute du cinéaste-poète ? — D. F.
Les films qu’on peut voir à la rigueur
To The North
En 1996, un jeune Bulgare et un jeune Roumain embarquent clandestinement pour le Canada. Le Bulgare est jeté à l'eau sur ordre des officiers taïwanais. Que va-t-il arriver au Roumain, débusqué par un matelot philippin ?
Ce premier film de fiction du Roumain Mihai Mincan vaut par sa traversée au long cours à bord d'un porte-conteneurs. Mais le rythme est solennel, et les dialogues égrenés entre des longs silences. Dommage, car les questions posées sont brûlantes. — D. F.
Les films qu’on peut ne pas voir
Le Système Victoria
Le réalisateur Sylvain Des-clous filme le monde du travail, ses antagonismes, ses absurdités et ses malhonnêtetés. Il adapte ici le roman éponyme d'Eric Reinhardt, publié en 2011. David doit terminer un projet immobilier titanesque en un temps record. Débordé, presque à bout, il croise la route de Victoria, directrice des ressources humaines insupportablement mystérieuse.
De leur histoire tortueuse va naître le bâtiment. A la fin, on a envie de n'être ni DRH ni directeur de chantier. — M. B.
Pablo Mira - Passé simple
A Chaudeau - En un peu plus de 1h½, nous fait revivre son enfance et surtout son adolescence avec les séquences TV, les répliques cultes et celles qu'il crée. Quelques excellents (mais trop rares) effets de scène nous font oublier que ce Pablo n'est ni celui de Quotidien, ni celui du Gorafi. On passe un très bon moment, sans une seconde de pause. Ma note : 7,5 / 10
Canard du 26-02-2025
Bonjour l'asile (La méthode secoué)
JEANNE, une banlieusarde stressée gentiment bobo, rend visite à sa meilleure copine, Elisa, installée à la campagne. Elle et son homme y vivent en parfaits néoruraux écolos. Jeanne découvre son amie inféodée à ses gosses remuants et à son mec. Ils reçoivent à l'apéro des notables carnassiers du coin qui rêvent d'ouvrir un hôtel de luxe instagrammable dans un château abandonné mais occupé par une communauté alternative joyeusement azimutée.
« On est tous la caricature d'un autre », explique la bouillonnante réalisatrice, Judith Davis, qui joue aussi le rôle de Jeanne. Dans ce film tiré d'une pièce créée par le collectif L'Avantage du doute (dont les six acteurs-auteurs sont à l'écran), tout est passé à la sulfateuse : les bobos et les néoruraux, donc, les problèmes de couple rémanents, les amitiés féminines, les hommes en plein chantier de déconstruction… La scène où des mâles s'entraînent à nommer l'intimité féminine est irrésistible. Tout comme les impros de Claire Dumas, jouant Elisa, qui se transmue en un double viriliste en slip kangourou et blouson de cuir ! Tandis que le travesti qui sert de gourou à la communauté (Simon Bakhouche) est impayable.
Cette comédie où tous déraillent peut rappeler l'entrain satirique d'un autre collectif ébouriffant, Les Chiens de Navarre, qui, sous la houlette de Jean-Christophe Meurisse, est aussi à l'origine de films explosifs et hilarants, poussant peut-être encore plus loin l'outrance et l'outrage aux fausses bonnes mœurs modernes. — David Fontaine
Les films qu’on peut voir cette semaine
Queer
Dans le Mexico des années 50, Lee, un homosexuel américain obsessionnel, hante chaque jour les bars et tombe soudain amoureux d’un tout jeune compatriote aux yeux de biche. Puis il part avec lui à la recherche de l’herbe hallucinogène nommée « yagé ».
Le cinéaste italien Luca Guadagnino donne une adaptation, stylisée jusqu'au maniérisme, d'un roman autobiographique laissé inachevé par William Burroughs (1914-1997), icône de la Beat Generation, et ajoute même une fin au livre. Tournage en studio à Cinecittà, utilisation de maquettes, travail sur l'image pour évoquer les pubs chromos de l'époque… Sans compter un Daniel Craig comme vous ne l'avez jamais vu, en gay viril et vibratile. Un trip qui déroute et culmine dans une scène finale de fusion des corps. — D. F.
Yōkai, le monde des esprits
Claire (Catherine Deneuve), chanteuse française très populaire au Japon, y fait sa dernière tournée. Elle trouve la mort au cours d'une soirée. Un vieux monsieur, fervent admirateur, l'accueille dans les limbes et lui demande de veiller sur son fils, tourmenté par son enfance.
Fasciné par l'au-delà, le Singapourien Eric Khoo plonge dans le surnaturel avec beaucoup de naturel. Ses plans sont aussi beaux que profonds, marqués par une intériorité saturnienne qui rappelle les tableaux d'Edward Hopper. Il faut la foi pour « entrer » dans ce monde de spectres (yōkai) bien vivants, mais le rêve insiste une fois la lumière revenue. — J.-F. J.
Maman déchire
Dans ce documentaire familial à ciel ouvert, la réalisatrice, Emilie Brisavoine, vient demander des comptes à sa mère sur son enfance douloureuse. Une mère rebelle, à éclipses, à l'ascendant redoutable sur son frère aussi, mais qui se dérobe quand sa fille l'accule.
La forme de ce film intimiste peut surprendre : c'est un voyage au cœur de la planète Mère, qui passe par les voies du développement personnel, met en communication les « enfants intérieurs » des protagonistes ou détourne le style des vidéos YouTube. Mais il en résulte un film puissamment attachant sur une mère inoubliable qui rappelle la chanteuse Catherine Ringer. — D. F.
Les films qu’on peut voir à la rigueur
A Real Pain
Deux cousins américains que tout oppose partent en Pologne pour un pèlerinage historique sur la Shoah, puis sur les traces de leur grand-mère, qui l'a évitée de justesse.
L'acteur Jesse Eisenberg s'inspire d'un voyage qu'il a jadis effectué en souvenir de sa propre tante Doris, et part de sa stupéfaction en découvrant les « Holocaust Tours », ces visites tout confort organisées pour Américains nantis. Mais il donne à son film la forme d'un buddy movie convenu, où les deux font l'impair : le raisonnable et discret David et l'exaspérant mais attachant Benji… Cette parabole du cousin prodigue prend le pas sur le thème initial, autrement sensible, et finit par faire boiter le film. — D. F.
L'Enigme Velázquez
Le grand maître espagnol du Siècle d'or passé au prisme d'artistes espagnols contemporains inégalement intéressants, au tamis d'historiens de l'art pas tous inspirés…
Sur des nappes incessantes de musique vaguement hispanique, la caméra balaie sans fin ses toiles, à la recherche du détail révélateur. Tandis que le commentaire en voix off donne dans l'emphase poétique et la citation à rallonge. Bref, ce documentaire volontiers grandiloquent de Stéphane Sorlat manque de la tenue et de la retenue du maître, de sa sobriété sans phrases comme de sa plénitude picturale. — D. F.
Les films qu’on peut ne pas voir
Creation Of The Gods II - Demon Force
La dynastie Shang s'est mis les dieux à dos. Elle veut se refaire la cerise et conquérir la cité de Xi Qi, dirigée par le jeune seigneur Ji Fa. Lequel, entouré de sous- héros Marvel immortels - dont un Schtroumpf géant à trois têtes -, doit résister aux assauts de créatures mythologiques (le troll anthropophage est peu commode) et aux charmes d'une générale un peu traîtresse sur les bords.
Adaptée d'un récit du XVIe siècle, « L'Investiture des dieux », cette superproduction chinoise de fantasy médiévale signée Wuershan fourmille de mortels combats et pâtit d'un trop-plein d'images de synthèse. Une armée de zombies frappés du fâcheux « maléfice des Mortelarves » s'étant levée, tout porte à craindre un troisième volet. — L. S.
Canard du 18-02-2025
L'Attachement (Renaissance prématurée)
DANS UN IMMEUBLE de Rennes, la vie comme elle va et comme elle s'en va. Branle-bas de combat chez les voisins de palier de Sandra, qui chérit sa liberté de célibataire : ils partent à la maternité en catastrophe, Cécile vient de perdre les eaux et lui confie son fiston, Elliot, tandis que le futur papa du bébé, Alex, se ronge les sangs… Le soir, Alex revient seul chercher Elliot, son beau-fils, lui annonçant la naissance de sa petite sœur, Lucille, et porteur d'une « très triste » nouvelle. Alex va-t-il refaire sa vie ? Le père biologique d'Elliot reprendre la garde de son fils ? Quelle sera la place de Sandra, libraire féministe, que le petit garçon semble avoir élue ?
Commençant par un coup de tonnerre qui bouleverse le fragile tissu d'existences ordinaires, ce film de Carine Tardieu parfaitement orchestré montre comment la famille, amputée, se recompose spontanément, tel un organisme vivant. Il ménage un véritable suspense des émois et des choix, et met à nu la vérité des sentiments sous la crudité des situations. Et ce grâce à un régal d'acteurs, qui tiennent la note vibrante : Valeria Bruni Tedeschi, éblouissante d'humanité après « Les Amours d'Anaïs » ou « La Fracture », Pio Marmaï en père déchiré, Vimala Pons en médecin entière, Raphaël Quenard en papa biologique fantasque, mais aussi César Botti, touchant en enfant grave, ou Catherine Mouchet et Marie-Christine Barrault en grands-mères défaite ou indigne…
e l'art de revisiter les liens spontanés du cœur et les affinités électives. — David Fontaine
Les films qu’on peut voir cette semaine
When The Light Breaks
Deux amoureux au crépuscule : elle rayonne car il a promis de quitter enfin son amie actuelle. Or il meurt dans un tunnel qui s'embrase. A la violence du deuil s'ajoute pour l'héroïne la douleur de devoir garder le secret face à sa rivale.
Après le très réussi « Echo » (2019), le cinéaste islandais Rúnar Rúnarsson donne un film beau comme un oratorio sur la mort qui frappe en pleine jeunesse et ravage un groupe d'amis, rebattant les rôles des survivants. Une méditation sur la lumière qui peut resurgir au fond de l'ombre. — D. F.
From Ground Zero
Gaza, sous le vrombissement des drones et le fracas des bombardiers… Un jeune homme dégagé deux fois en vingt-quatre heures de bâtiments éventrés. Un fiancé qui pleure son amoureuse. Un homme qui dort dans un sac mortuaire… Des enfants qui racontent en dessins le traumatisme de voir leurs parents écrire leur nom sur leurs membres, pour les rassembler si les explosions les déchiquettent. Et toujours la mer si bleue, au loin.
Tournés à Gaza sous l'égide du cinéaste Rashid Masharawi, ces 22 courts-métrages en disent plus long sur la condition des Gazaouis que bien des discours. — D. F.
La Fabrique du mensonge
'ascension du « docteur » Goebbels, le fidèle ministre de la Propagande de Hitler, maître dans l'art d'électriser les foules et de faire des actualités cinématographiques une fiction.
Trump n'a pas inventé l'art de désinformer. Pour mieux en démonter les mécanismes, Joachim Lang choisit de plonger le spectateur dans l'intimité éloquente des dirigeants nazis. La force du film est d'inclure nombre d'images d'archives, serties au milieu de la reconstitution. Où l'on voit l'« oncle Hitler » omniprésent dans la famille modèle fondée par Goebbels et son épouse, Magda, qui n'hésitèrent pas à supprimer leurs six enfants avant de se suicider. — D. F.
Dis-moi juste que tu m'aimes
Elle lui avait brisé le cœur quinze ans plus tôt. Quand Anaëlle (Vanessa Paradis) revient à Vannes, où elle ouvre un bar, Julien (Omar Sy) s'interroge, et sa compagne (Elodie Bouchez) s'affole. Sûre d'être supplantée, celle-ci prend pour amant son supérieur hiérarchique. Pas une bonne idée…
Cet efficace polar psychologique, signé Anne Le Ny, joue sur les intentions que chacun prête à l'autre, provoquant des brouillards d'incompréhension mutuelle. José Garcia, en cadre sup tordu, s'en donne à cœur joie, entre la Glenn Close de « Liaison fatale » et le Sergi López de « Harry, un ami qui vous veut du bien ». — J.-F. J.
Mercato
Agent de footballeurs à la ramasse, Driss (Jamel Debbouze) est menacé par des intermédiaires à qui il doit une fortune. Son seul atout : un attaquant du PSG qui cire le banc de touche. Sous les yeux effarés de son fils idéaliste, il tente tout pour le vendre à un autre club avant la clôture du marché aux joueurs, le mercato.
Si la peinture de ce monde - cupide, cynique, vulgaire - brossée par Tristan Séguéla semble un brin chargée, le compte à rebours est haletant. Et certains personnages sortent par le haut de la fatalité de leur rôle social. — J.-F. J.
September & July
Deux sœurs inséparables : l'aînée, autoritaire, qui protège sa cadette harcelée au collège. Et leur mère, imprévisible. Cet étrange trio migre dans une petite villa au bord de la mer.
Adaptant le roman « Sœurs », de Daisy Johnson, l'actrice franco-grecque Ariane Labed propose un film dissonant, singulier, attachant, qui rappelle l'univers arbitraire de son mari, Yorgos Lanthimos, mais avec un style plus ancré, pour mieux explorer les abîmes de la sororité. — D. F.
Brian Jones et les Rolling Stones
Nick Broomfield ambitionne de rendre justice au premier des Rolling Stones, Brian Jones (1942-1969), fondateur et premier inspirateur du groupe, guitariste surdoué et multi-instrumentiste.
Plongée dans les archives, témoignages éclairants de proches, dont le bassiste Bill Wyman, ou feu Marianne Faithfull, pour ressusciter ce jeune séducteur compulsif mais complexé, rejeté par un père rigoriste puis éclipsé par Mick Jagger, qui a sombré dans les addictions et n'a pas survécu à son éviction des Stones… — D. F.
Les films qu’on peut voir ou revoir
Quatre nuits d'un rêveur
Un jeune peintre sauve une jeune femme mystérieuse qui s'apprête à sauter du Pont-Neuf. Et la revoit trois autres nuits, tombant amoureux de celle qui se dit amoureuse d'un autre.
Adapté des « Nuits blanches », de Dostoïevski, ce film de 1971 de Robert Bresson suit les paradoxes de l'amour impossible, à travers des promenades nocturnes dans le Paris de l'après-Mai-68, la magnificence des corps et des plans composés comme des natures mortes. Enfin restauré, ce chef-d'œuvre est célébré par Jia Zhangke, Wim Wenders ou Sergueï Loznitsa, autres cinéastes de l 'amour absolu. — D. F.
Les films qu’on peut voir à la rigueur
Young Hearts
Dans un village des Flandres, le jeune Elias est infiniment troublé par la présence de son nouveau voisin, Alexander, venu de Bruxelles. Le coming out d'Elias est filmé avec intelligence par Anthony Schatteman, qui a reçu le prix Cannes Ecrans Juniors en 2024. L'interprétation des deux héros est époustouflante de justesse, mais cette histoire d'amour baigne dans une atmosphère si sirupeuse qu'elle fait perdre de sa force au propos. — A.-S. M.
Daffy et Porky sauvent le monde
Avec Maurine, Margot et Antonin. Bébés, Daffy et Porky sont recueillis par un fermier qui leur lègue sa maison. Ils doivent la mettre en conformité mais ne réussissent pas à gagner de l'argent en travaillant. Un astéroïde et un extraterrestre menacent la Terre.... Même si les enfants ont trouvé ça super, le scénario est convenu et les quelques clins d'œil adultes ne permettent guère de s'attacher au cartoon. Ma note : 5 / 10
Ken Follet - Un monde sans fin
Après les bâtisseurs, Ken Follet nous entraîne dans une saga si longue et si enthousiasmante. Depuis les chamailleries d'enfants, les viols, les vœux, les amours, la guerre, la peste jusqu'aux réalisations les plus grandioses, ce roman fourmillant de détails et riche de l'histoire du moyen-âge, on est subjugué et s'il n'était pas aussi long (plus de 1300 pages) on ne s'arrêterait pas. Ma note : 8 / 10
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